Istanbul, voluptueuse et tentatrice
Voluptueuse et tentatrice, Istanbul est une mère sublime aux bras grands ouverts. La première approche ressemble à une aventure amoureuse. Cette mégalopole de près de 20 millions d’habitants attire tout en provoquant ces petits frissons qui reflètent l’effroi. Istanbul est tentaculaire.
Elle fascine par les mille et une facettes qu’elle offre à qui voudrait l’étreindre. Tour à tour sultane ou odalisque, princesse de rue ou mère sublime elle déroute. L’aborder demande curiosité et sérénité, puissance et humilité car même après l’avoir aimée, vue et retrouvée, elle reste une sorte d’énigme dans laquelle l’orient teinte l’occident et la modernité apprend à vivre grâce au passé.
Istanbul est ce long poème que l’on récite avant de le comprendre. On en dit les mots. Les images s’imposent au gré des quartiers qui, peu à peu se livrent au jeu de la découverte. D’abord il y a cette frénésie d’une densité de masse piétonne et automobile avec soulèvement furieux de bruit et de poussière. Au dessus des klaxons le Muezzin lance ses appels journaliers tandis que défile une foule formée de femmes en tcharchaf, d’étudiantes bardées de cuir et d’hommes dont la tenue occidentalisée ne dissimule pas tout à fait l’âme orientale.
Il y a ces quartiers qui, longtemps encore après les avoir visités, restent rivés à l’esprit tels des rêves obsessionnels que l’on n’est jamais sûrs d’avoir compris. Sultanahmet l’historique cœur de la ville découvre ses sortilèges aux détours de ses rues étroites. Des minarets sortes de gardes rigides des mosquées montent la garde par six devant la plus célèbre des 350 de la ville, la Mosquée Bleue. On ne peut évoquer Istanbul sans parler d’Ayasofia, la basilique chrétienne dédié à la sagesse divine qu’Erdogan vient de transformer en Musée, la citerne byzantine aux 336 colonnes ou le Palais de Topkapi que Mehmet le Conquérant instaura avec son splendide harem comme résidence des sultans. Nul ne peut penser à l’ancienne Constantinople sans une curiosité pour son bazar immense, véritable fourmilière géante ou son marché égyptien d’où s’échappent comme des esprits malins tous les parfums d’un orient soudain.
Traversant la Corne d’or par le pont de Galata on aborde Beyoglü la cosmopolite. Ville dans la ville elle n’est pas farouche. Un peu aguicheuse, elle aligne ses quartiers aux charmes romanesques alternant avec des rues modernes et commerçantes. On se croit un instant dans une ville d’Europe. Mais il suffit de s’engouffrer dans le marché aux fleurs pour retrouver toute la magie d’un lieu qui sait séduire sans jamais vendre son âme. Derrière le marchand de moules frites, une lourde porte mystérieuse dissimule l’accès à une église arménienne. Des allées latérales on débouche sur un des temples de la manducation, une place recouverte d’une coupole sous laquelle se décline, au pluriel conjugué, la gastronomie turque.
Galata et Pera. Pera et son vieux palace. Eminonu les bords du Bosphore. Le Bosphore bordé de fameux restaurants de poissons que l’on déguste avec de grands verres de raki. Le Bosphore et son imposante navigation fluviale, ouverture vers la mer de Marmara. Fleuve frontière entre l’orient et l’occident avec, sur l’autre rive, Uskudar, Kadikoy, les maisons a même le fleuve. Istanbul une et multiple est indescriptible. Car s’il est une ville qui sans être capitale de son pays, reflète parfaitement le génie de ses habitants, c’est bien elle. On y trouve plus de solutions que de problèmes.
Nina Brissot