Vieux de 4’500 ans, ces 24 monolithes n’ont été découverts qu’en 1984. Sur la signification de ces pierres dressées, les hypothèses ne manquent pas.
Depuis des millénaires, ils dormaient sous les alluvions de la Lutrive, qui les avait enfouis et protégés des outrages du temps et des destructions humaines, avant que le godet d’une pelle mécanique ne leur fasse retrouver la lumière. Plantés aujourd’hui au-dessus du parking souterrain où on les a découverts en 1984, bordés par la bruyante route cantonale et surplombés par les maisons toutes proches, les 24 menhirs de Lutry semblent un peu perdus au milieu de toute cette modernité. Il faut faire un effort d’abstraction et surtout d’imagination pour les replacer dans le contexte qui était le leur au Néolithique final, il y a maintenant plus de 4’500 ans*. A cette époque lointaine où les plus grandes constructions humaines étaient des cabanes de bois, ils représentaient un ensemble monumental visible de loin mais aussi une prouesse technique pour la communauté qui avait mis ses forces en commun pour les ériger.
Caractéristique très rare
Dans presque toute l’Europe au Néolithique (entre 5’000 et 2’000 av. J.-C) s’est développé le mégalithisme (du grec grande pierre). Il s’agit d’un ensemble de croyances ayant pour point commun la construction de grands monuments en pierre parfois très spectaculaires, comme le célèbre cercle de Stonehenge ou le grand menhir brisé de Locmariaquer en Bretagne: avec ses 280 tonnes, c’est l’un des plus lourds objets du monde déplacés par l’être humain sans l’aide d’une machine!
Par rapport aux autres sites connus en Suisse, l’alignement de Lutry a la particularité unique de montrer des menhirs jointifs formant une sorte de mur, alors qu’ailleurs ils sont généralement séparés par un espace plus ou moins grand. De plus, les pierres ont été soigneusement choisies pour leur planéité et leur très faible épaisseur. Cela peut paraître trivial, mais en réalité c’est une caractéristique très rare pour le grès (10 exemplaires) et le calcaire (12 exemplaires), particulièrement pour des dimensions aussi importantes. Il a certainement fallu des recherches assidues et sans doute des transports longs et fastidieux pour réunir autant de roches se présentant sous forme de plaques selon les spécifications des bâtisseurs. Les extrémités supérieures des menhirs ont également été taillées afin de les arrondir ou de dégager des sortes d’épaulements symétriques qui symbolisent peut-être une silhouette humaine.
Eclairé en permanence
On ne saura probablement jamais la signification de ces pierres dressées, et dans ce domaine, on ne peut faire que des hypothèses: représentations de dieux, d’ancêtres, symboles phalliques, signes de puissance d’une tribu, lieux de sépulture, enceinte sacrée ou observatoire astronomique. Ce qui est certain, c’est qu’à Lutry l’alignement a été placé précisément de manière à être éclairé en permanence du solstice d’été au solstice d’hiver, peut-être pour un culte du soleil ?
* Entre 2’860 et 2’300 avant J.-C. (datations au carbone 14 sur trois charbons)