Au XIVe siècle, alors que les boites aux lettres n’existaient pas encore, Venise avait, à la porte de son palais gouvernemental, une bocca di leone. Une tête de lion avec la gueule ouverte pour avaler les dénonciations anonymes. Sur la pierre supportant le félin, il était gravé: «Dénonciations secrètes contre toute personne qui dissimule des faveurs ou des services, ou qui cherche à cacher ses vrais revenus»… La Suisse n’en avait pas. On peut imaginer que c’était pour éviter les embouteillages devant cette gueule avide.
Aujourd’hui, point de bocca, mais des réseaux sociaux. Chacun s’y engouffre avec une jouissance que l’on croyait imputable au seul sexe. Si un voisin, un médecin, un politique, voire… un ami bénéficie d’un privilège qui puisse être envié, la horde des baveux le dénoncera avec une satisfaction non dissimulée. Les réseaux regorgent de ces fausses ou vraies nouvelles autrefois nommées délation. Aujourd’hui, acte citoyen oblige, on dit lanceur d’alerte. On appelle ça la transparence.
Oui, transparence! En 1985, Mikhaïl Gorbatchev, alors chef suprême de l’URSS, décide de libérer les soviétiques du contrôle des idées et lance la Glasnost (transparence) et la Perestroïka (restructuration économique). Il se plantera. Cependant, la démocratisation du régime, permise grâce à la Glasnost, offre aux peuples la liberté de se sentir différents. Tensions inter-ethniques montée des nationalismes. Tiens, montée des nationalismes, transparences, dénonciations…. J’ai le sentiment que ces mots sont redevenus courants. Pas vous?