Cosmopolite! L’adjectif sied particulièrement à cette petite ville située déjà au carrefour des routes romaines et de l’histoire. D’ailleurs, il suffit de flâner quelques instants dans le centre-ville pour entendre toutes sortes d’idiomes dont certains accentséchappent complètement à nos oreilles plutôt latines. Cosmopolite, universelle et, sans doute mondaine si l’on se réfère aux nombreuses personnalités nées à Vevey ou venues pour y vivre, créer, prospérer et parfois y mourir. Comment expliquer qu’une ville de 20’000 habitants, originellement agraire puis industrielle et enfin économiquement dominée par le secteur tertiaire, puisse se targuer d’être connue aux confins de tous les horizons ? Et comment comprendre que Vevey ait pu être le gîte, la retraite, l’habitation, le refuge de tant de célébrités ? C’est sans doute que Vevey recèle quelques mystères et secrets.
Universelle, Vevey ne l’est pas que par ses habitants. Elle est aussi multi-religions. Peu de villes de cette taille peuvent prétendre offrir des offices à autant de confessions. Eglises catholiques, temples protestants, d’ailleurs le fameux Temple de St Martin est bâti sur les fondements d’une petite église datant du Xe siècle. Il lui reste de cette époque le chœur et le clocher. Rentrant de son exil à Guernesey, en 1861 Victor Hugo a fait halte à Vevey. Il a visité le Temple St Martin, en a fait un croquis et s’est déclaré impressionné par sa drôle de tour. Mais Vevey compte aussi une église orthodoxe russe, bâtie en 1878 sur des plans arrivés de St Pétersbourg, une église anglaise, une mosquée, des églises évangéliques et autres lieux de culte, missions ou paroisses, tous faisant bon ménage. On peut les admirer ou les visiter en parcourant rues, places et ruelles, dans le centre de la ville sans avoir à reprendre les transports. A ces lieux de recueillement s’ajoute le cimetière St. Martinet son cimetière militaire britannique et du Commonwealth. Jouxtant la Ville mais sur la Commune de La Tour de Peilz, au lieudit En Vassin, se trouve le cimetière de la Communauté Israélite de Vevey Montreux. Mais les monuments religieux parfois cèdent de leur prestige à des bâtiments publics tout aussi imposants. Le Musée Jenisch en est un. Il a recueilli la Fondation Oscar Kokoshka, (1886-1980) artiste peintre et écrivain d’origine austro-hongroise qui, vivant à Villeneuve était un fidèle habitué de ce Musée.
Séculaire et moderne
Sur la place du marché, entre le Théâtre le Reflet et une échappée vers l’est, siège la très belle Grenette et ses 18 colonnes toscanes. Autrefois grenier à grains, sa construction remonte à 1808. Elle abrite aujourd’hui l’Office du tourisme et différents marchés aux puces. Les jours de St Martin qui en 2019 vit sa 550e foire annuelle, on installe devant la Grenette un grill géant pour y rôtir un bœuf entier. Cette tradition qui se déroule toujours le 2e mardi de novembre n’a jamais perdu de son panache. De fait elle commence la veille avec l’installation du bœuf. Toujours intrigués, les Veveysans viennent y manger la soupe aux pois et les galettes de la St. Martin. Le mardi, les lève tôt reçoivent le chocolat servi par la confrérie de la St. Martin et, à 7h., les fifres et tambours annoncent le début des cérémonies. Un cortège composé d’animaux de la ferme traverse le centre-ville accompagné de Milices Vaudoises à cheval et en tenue d’apparat, de fanfares et de classes des écoles de Vevey, sans oublier les Barbus de la Gruyère, descendus tout exprès pour l’occasion. L’ouverture de la foire et de ses nombreux stands se fait à 10h après avoir entendu les autorités et partagé le manteau de St. Martin. C’est aussi le moment de l’intronisation de nouveaux Confrères et Consœurs. Mais tous devront attendre 11h30 au plus tôt pour pouvoir commencer à dévorer le bœuf !
Saint Martin de Tours ou Martin le miséricordieux est né en 316 sous l’empire Romain dans la province romaine de Pannonie aujourd’hui en Hongrie. Il est mort en Gaule en 397 après avoir été évêque de Tours. Sa légende dit qu’alors qu’il était légionnaire (à cette époque la guerre était un métier), un soir d’hiver glacial de 334, Martin a partagé son manteau avec un déshérité. Déjà très tourné vers la religion, il aurait vu, la nuit suivante, le christ lui apparaître vêtu du pan de sa cape qu’il avait offert au manant. |
La belle maison
Vevey a son château d’antan. Il est aussi appelé «la Belle-Maison» construite sur l’emplacement d’une maison forte médiévale. Cette Belle-Maison, probablement terminée en 1599, date qui figure sur sa façade a été le siège des autorités bernoises de 1734 à 1798. Plus tard, ce château deviendra une pension jusqu’à la fin de la 2e guerre. Il est aujourd’hui à la fois Musée du Vieux Vevey et siège de la Confrérie des Vignerons. Passé et futur s’y rejoignent le au rez-de-chaussée est aujourd’hui un temple de la gastronomie moderne voire futuriste où les expériences. Le fameux restaurant de Denis Martin, (qui n’est pas un descendant de Saint Martin), pionnier de la cuisine moléculaire en Suisse partage des expériences culinaires dont les clients se souviennent toute une vie. Ce château n’a rien à voir avec le fameux château de l’Aile.
Près du Château, se trouve le magnifique Hôtel de Ville. Inspiré de l’époque Louis XV il a fallu 45 ans à ses constructeurs pour en venir à bout. Le travaux commencés en 1710 se sont achevés en ….1755! Peut-être étaient-ils moins pressés à l’époque? En le contournant on arrive à la Tour dédiée à St Jean l’Evangéliste. Droite et fière, surmontée d’un clocher, dont les origines remontent à 1329, elle protège à son pied, une des belles fontaines de Vevey posée là en 1778. Et à quelques mètres, l’imposant bâtiment de la Préfecture avec, derrière une grande grille, sa Cour du chantre pavée, son parc et son vieux puits datant de 1746.
Mais Vevey peut aussi se vanter d’avoir un trésor moderne et qui sait le rester depuis… 1923!. Entre la route et le lac, un peu à l’Est de Nestlé mais déjà sur la commune de Corseaux, il est possible de visiter la villa le Lac que Le Corbusier a fait construire pour ses parents en 1923. Il l’a voulue à 4 mètres du lac et 4 mètres de la route. Elle est ainsi faite que, où que vous vous trouviez dans la maison, vous pouvez voir le lac. Considérée comme un chef d’œuvre du mouvement moderne, cette villa est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, comme 16 autres œuvres architecturales de ce grand bâtisseur. Son père mourra trois ans plus tard mais sa mère deviendra centenaire dans cette maison qui aujourd’hui se visite.
Deux palaces
Une fois encore, relevons que, pour une ville de moins de 20’000 habitants, Vevey se montre entreprenante puisqu’elle abrite deux palaces. Les Trois Couronnes, ouvert en 1842, où de nombreuses têtes couronnées et stars ont séjourné. Notamment le Prince Aga-Khan. Il s’y trouvait la tragique nuit du 12 au 13 juillet 1943 lorsqu’un avion de la Royal Air force, chargé de bombes destinées à Turin, a percuté le Grammont. Tout a éclaté, jusqu’aux vitres de la chambre du Prince réveillé en sursaut. Mais les Trois Couronnes n’a pas vécu que des moments dramatiques. De douces folies s’y sont succédées avec des écrivains et compositeurs qui s’y sont prélassés. Parmi eux, Tchaïkovski, Camille St Saëns, Henri Miller, Sir Peter Ustinov et bien d’autres, habitués par exemple du Montreux Jazz festival. A un jet de pierre de là, construit en 1868, se trouve le Grand Hôtel du Lac. Lieu calme, il a inspiré plusieurs auteurs dont Anita Brookner qui y a écrit son plus célèbre roman «Hôtel du lac ». C’est dans ce paisible repère de luxe que le père de Quo Vadis, l’écrivain polonais Henryk Sienkiewicz, prix Nobel de littérature en 1905 y rendra l’âme un jour de novembre 1916.
L’universalité de cette ville se reflète également dans ses commerces. Certes Nestlé est y est pour une part évidente mais, au gré des rues, fleurissent ici et là négoces, bistrots, restaurants de tous les continents. Du petit magasin africain aux échoppes et bazars turcs, asiatiques, balkaniques, en passant, naturellement par les produits locaux et le marché bi-hebdomadaire dont l’attractif marché folklorique, nul ne reste jamais sur sa faim. Vevey est une ville colorée.
Vevey sur Lac
Le lac avec ses reflets à l’humeur du temps donne le ton à l’ambiance. Les élégants bateaux de la flotte Belle Epoque de la CGN y accostent. La plus ancienne de ces embarcations avec roue à aubes et propulsion diesel électrique s’appelle, justement, Vevey ! De nombreuses navettes sont proposées entre les différents ports franco-suisse et des croisières complètent une offre particulièrement étoffée en été. Une occasion d’expérimenter le caractère de ce croissant de 72,8 km de long et 13,8 km de large qui dialogue avec les Alpes. Selon le jour, le lac peut virer du gris souris au vert outremer et parfois se strier de différentes couleurs ou frissonner sous les vents plus ou moins amis qui le caresse. Il se fâche aussi. Mieux vaut alors ne pas l’affronter. L’ouragan Lothar qui en 1999 avait propulsé de bateaux hors du lac et gravement meurtri le port de Vevey est sans doute le fait le plus marquant en 100 ans. L’homme avertit comprend qu’il est des jours où la nature veut se faire respecter et la navigation s’arrête. Mais, à la belle saison, on peut parfois voir au large quelques mythiques barques traditionnelles à voiles latines. On se croirait alors dans un autre temps. Celui où, avant le développement des transports par la route et le rail, le lac était un lien puissant entre les hommes. Ces embarcations ne sont que 5 à voguer sur le Léman, la plus ancienne étant la Neptune, construite en 1904. Les autres, rénovées ou construites à l’identique, portent les noms de Savoie, Vaudoise, Demoiselle et Aurore mais elles ne transportent plus les belles pierres de Meillerie. Ville lacustre, Vevey a aussi ses pêcheurs. En se levant tôt, il est apaisant de regarder, pas trop loin des berges, quelques barques comme posées sur un miroir et, dans le silence du petit matin, d’admirer la silhouette parfois enrobée de brume, du pêcheur qui remonte ses filets ou mouline sa canne à pêche.
Le Château de l’Aile
La plus belle approche de cette ville provinciale et universelle est, sans doute, une arrivée par le lac. A la sortie du bateau, là, sur le quai, jouxtant la place du marché, siège majestueusement l’extraordinaire Château de l’Aile. Pièce maîtresse dans le paysage architectural veveysan, ce bâtiment néogothique, aujourd’hui complètement rénové par l’homme d’affaires Bernd Grohe fut, des années durant, la demeure de personnalités qui ont associé leur nom à Vevey. C’est le cas de l’écrivain diplomate et académicien Paul Morand qui y vivra son exil de dix ans après la 2e guerre mondiale. Le compositeur et chef d’orchestre Gustave Doret, dont la ville a baptisé une avenue à son nom y séjournera également. Parmi les hôtes de ce fabuleux château, on retrouve aussi le compositeur Felix Mendelssohn et le philosophe Henri Bergson.
Le château de l’Aile date du 19e siècle. La famille Couvreu, propriétaire des lieux depuis le 17e siècle transforme le château baroque en 1840 pour le moderniser en édifice néogothique. Il sera totalement rénové par son actuel propriétaire Bernd Grohe entre 2009 et 2017 |
Descendre à Vevey
Par la route ou, par l’autoroute en suspension au-dessus de la ville, l’approche est tout aussi saisissante. A perte de vue, le visiteur voit le Léman converser avec les collines à bâbord et les Alpes à tribord. Sous le ruban de l’autoroute, il distingue cette ville qui, vue d’en haut, paraît recroquevillée et agglomérée comme en défense contre une possible poussée des communes voisines. L’immense bâtiment de Nestlé se détache du reste des constructions (voir plus loin) puis, très vite les maisons se resserrent le long des Avenues qui, malheureusement, ne sont plus assez larges pour absorber la circulation contemporaine. Ce qui fait que Vevey est souvent victime d’embouteillages moins sympathique qu’à la cave. A l’époque romaine, c’est l’empereur Auguste qui avait imaginé une voie de communication entre Milan et Aventicum alors capitale romaine. Passant par le col du Grand St Bernard, elle rejoignait le Léman et se séparait à Vevey pour aller, au nord vers Avenches, à l’ouest vers Lyon. La voie permettait aux chars d’avancer. C’est maintenant plus difficile avec un trafic automobile dense et peu de voies parallèles vers la ville.
Descendre à Vevey, nécessite de serpenter par la voie qui longe et contourne les collines aujourd’hui bâties. Un cheminement qui se fait depuis des temps immémoriaux, les habitants des campagnes environnantes y venant pour vendre leurs produits : bétail, lait, cultures, ou pour se rendre dans l’une ou l’autre des églises. Certains y venaient pour la politique, tous pour la Fête des Vignerons. L’habitude de descendre à Vevey, aujourd’hui plutôt pour son travail, n’a jamais faiblit mais les voitures ont remplacé les charrettes. Souvent, l’hiver surtout, lorsque tombe le crépuscule, en levant son nez le visiteur peut voir s’ajouter les phares des véhicules aux mille et une lumières des maisons qui hantent les collines. Par leurs scintillements, et les lumières des fenêtres, on se croirait alors au pied de ces crèches de Noël installées dans les églises en Provence.
La ville de Nestlé
Partant du château de l’Aile et suivant les rives du lac en direction de Lausanne, très vite on arrive vers le plus grand fleuron de cette ville : Nestlé. Et qui dit Nestlé entend Vevey. Tout comme Nestlé s’impose en parlant de Vevey. Ces noms sont devenus indissociables, permettant à Vevey d’étendre son patronyme sur l’ensemble de la planète. C’est à un célibataire endurci, Henri Nestlé, d’origine allemande, naturalisé suisse, génial inventeur de la farine lactée, que non seulement la ville, mais toute la région doit sa notoriété. Il fut au départ de ce géant mondial propulsant par la suite Vevey au cœur de l’alimentation mondiale Première industrie agroalimentaire du monde, son siège international, en forme d’Y a été complété dans les années 2000 par un point sur l’Y. Un pavillon de verre construit sur l’ancien parking Eiffel. L’ensemble, se situe dans un panorama lacustre époustouflant. Quant à son siège suisse, complètement rénové et agrandit il se situe à l’autre bout de la ville, à l’entrée de la Tour de Peilz, mettant ainsi Vevey entre deux Nestlé.
Géant de l’industrie agro-alimentaire sur l’ensemble de la planète, Nestlé, née à Vevey est la plus grande entreprise laitière du monde. Elle détient également des parts majoritaires dans les marchés du café, de l’eau et des surgelés et lyophilisés. Son emblème est un nid, pour Nest en allemand du nom de son fondateur Henri Nestlé. Un oiseau y nourrit ses oisillons. |
Le chocolat
Vevey est aussi la ville du chocolat. L’un des pionniers du chocolat suisse, François Louis Cailler y est né. Il a été le premier à lancer le chocolat en plaques. C’est à Turin qu’il a appris le métier avant d’intéresser la famille à son entreprise qu’il lancera en 1819. Sa sœur épousera Daniel Peter qui lui inventera le chocolat au lait. Les affaires prospèrent et il rachètera aussi la chocolaterie de Charles Amédée Kohler avant de s’associer avec Cailler pour créer les chocolats suisse Peter Cailler Kohler ce qui valu une plaisanterie largement répandue à l’époque, à la reprise par Nestlé en 1929 et qui disait, Nestlé a fait Peter Cailler de Kohler…
Lait, café et vin
Liée à Nestlé et par là même au lait au chocolat et au café, Vevey l’est également aux vins. La Ville est la porte d’entrée ouest de Lavaux et de ses vignes en terrasses, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais bien sûr, La Fête des Vignerons fait d’abord partie du patrimoine veveysan qui contribue à la renommée de la ville
Le vin a donc, de tout temps, coulé à Vevey. Emmanuel Obrist l’a bien compris lorsqu’en 1854 il lance sous son nom une société de négoce de vins. Une affaire vite florissante, reprise ensuite par son fils Emile qui la développera sur toute la Suisse Romande Elle est aujourd’hui ancrée à Vevey comme autre fleuron commercial. Avec ses 6 domaines, la société est propriétaire de 83 hectares de vignobles et se situe parmi les importants négociants en vins de Suisse.
Plus près du lac, à la ruelle de l’ancien port se trouvait une tonnellerie, fondée par Alphonse Mayor qui avait également une distillerie. Elle y restera 3/4 de siècle avant de prendre ses quartiers à Gillamont avec la tonnellerie et une cave en 1956. Une nouvelle génération de Mayor développera la cave dès les années 70 et pris un tel essor qu’une nouvelle cave a dû être annexée en 1982. Chaque décennie a amené des transformations et propose aujourd’hui, outre la cave, un caveau bar à vin au design contemporain baptisé le «13», lieu de rendez-vous branché. La Cave Mayor compte 4 générations de tonneliers, cavistes et viticulteurs qui font eux aussi rayonner Vevey. Dans toute cette région qui jouxte les terrasses de Lavaux inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco comme région viticole, le vin a une forte identité et un ancrage local des plus importants. A Vevey toutefois, une particularité mérite d’être soulignée. Les caves communales se trouvent…. sous le poste de police! C’et dire si le vin est bien gardé!
La Fête des Vignerons
S’il est une autre institution veveysane dont on parle dans le monde entier, c’est bien la Fête Des Vignerons. Programmée au maximum 5 fois par siècle, ou une fois par génération, elle se déroule immanquablement sur la Place du Marché et attire les feux de la rampe de toutes les télévisions du monde. La dernière a eu lieu en 1999. La suivante, est pour cette année 2019 et se déroule sur 3 semaines dans une Arène construite pour l’occasion. Elle débute le 18 juillet pour se terminer le 11 août et s’annonce émotionnellement extraordinaire. Sa mise en scène a été confiée à un véritable magicien, Daniele Finzi Pasca. L’artiste a déjà signé, parallèlement à 550 autres productions 3 cérémonies olympiques (Turin 2006 et Sotchi 2014, Jeux Olympiques et Jeux Paralympiques), 2 spectacles pour le Cirque du Soleil et le fameux Icare. Chaque représentation accueille 20’000 personnes dans les gradins de l’Arène. Autour, la Ville en Fête en reçoit autant avec plus de 1’000 animations gratuites dont des défilés, des concerts, des représentations et spectacles, sans oublier des restaurants éphémères et les fameux caveaux. Près d’un mois durant, la ville de Vevey ressemble à Rio pendant le carnaval. Le coup d’envoi comprend le couronnement des vignerons tâcherons et se poursuit par le spectacle. Le budget 2019 atteint 100 millions de francs entièrement financés par la Confrérie. Plus de mille animations sont offerte dans le périmètre de la Fête. Du jamais vu.
La Confrérie
Ville viti-vinicole Vevey abrite le siège de la Confrérie des Vignerons. Elle est si ancienne qu’on ne connaît même pas la date de sa création. La seule chose de sûre est qu’elle existait déjà en 1618. La Confrérie garde pour le prouver, une petite coupe de buis, dite coupe des Abbés. Grande comme un gobelet, elle est cerclée de médailles au nom des Abbés (président de la Confrérie) qui se sont succédés au fil des siècles à la tête de la Confrérie. Le nom de Gaspar Rot et la date de 1618 sont gravés à l’intérieur. C’est le plus ancien témoignage lié à cette confrérie qui organise le Fête des Vignerons depuis 1797. C’est elle et elle seule, sans aide ni subsides qui organise tous les quarts de siècle la Fête des Vignerons. Avant tout une cérémonie qui se veut un hommage, rendu aux tâcherons et vignerons, aux traditions et au monde viticole. Cette fête est, depuis 2016, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Ville d’hôtes
Au cœur d’une région chérie par les artistes et les littéraires, Vevey a nourri l’imaginaire de beaucoup d’hommes et de femmes qui y ont libéré leurs talents. Commençons par l’un des plus connus à travers l’histoire et les siècles, Jean-Jacques Rousseau. De Vevey, il en parle dans plusieurs de ses œuvres. Il semble même que « La Belle Héloïse » qu’il a située ici soit à l’origine de l’intérêt touristique pour la région dès que le succès de son livre fut avéré. Il n’y a, à proprement parlé, jamais vécu mais séjourné. Lorsqu’il vivait à Lausanne, il s’est arrêté à Vevey. Dans ses «Confessions», il en parle en termes pour le moins poétique: « Je pris pour cette ville, écrit-il, un amour qui m’a suivi dans tous mes voyages, et qui m’y a fait établir enfin les héros de mon roman. Je dirais volontiers à ceux qui ont du goût et qui sont sensibles : Allez à Vevey, visitez le pays, examinez les sites, promenez-vous sur le lac, et dites si la nature n’a pas fait ce beau pays pour une Julie, pour une Claire, et pour un Saint-Preux : mais ne les y cherchez pas. »
Mais, cette envolée a un fondement qui s’appelle Françoise Louise de Warens, dont une maison et le conservatoire de musique portent encore son nom à Vevey. Françoise Louise qui lors du séjour de Rousseau a déjà quitté Vevey pour la Haute Savoie sera la maman de l’orphelin Rousseau, son inspiratrice, sa bienfaitrice, sa muse puis, sa maitresse. Sorte de Mata Hari avant l’heure, elle devient baronne de Warrens en épousant en 1713 à 14 ans M. de Loys de Warens, habitant à Vevey. Elle fera annuler le mariage mais gardera le nom et quelques biens. Protestante, elle changera pour le catholicisme. Elle a alors 27 ans et travaille pour l’évêque d’Annecy qui lui octroie une pension pour diffuser la religion catholique dans la région de la très protestante Genève. Comment s’y prend-t-elle en tous les cas elle est également pensionnée par le roi de Sardaigne et ajuste ses fins de mois semble-t-il en jouant le rôle d’agent de liaison avec le chef de la maison de Savoie. Madame de Warens habite alors en Haute Savoie. Et c’est là qu’un Curé lui amène un jour un jeune fugueur de 16 ans prénommé Jean-Jacques. Elle devient sa mère. Il l’appelle maman et elle: petit. Elle se lance dans son éducation, politique, philosophique, musicale, littéraire, arithmétique puis, lorsqu’une jeune femme s’intéressera à lui… elle passera à l’éducation charnelle afin de se le garder, rien que pour elle. L’idylle durera jusqu’en 1742. Un déplacement du jeune homme fera qu’il sera remplacé dans le cœur de la belle. Il en souffrira. Mais à Vevey, de la chambre de sa pension, il verra la maison de Madame de Warens ! L’époque était romantique.
De voltaire à Chaplin, de Gustave Eiffel à Nicolas Gogol en passant par Victor Hugo ou le Prince Aga Khan, les amoureux de Vevey sont nombreux. des noms de rues, de places, des statues, ou de simples plaques sur plusieurs bâtiments de la ville rappellent que Vevey a toujours été cosmopolite et admirée |
L’Idiot
L’Idiot! Le chef d’œuvre de Fiodor Dostoïevski a été écrit à Vevey où l’auteur avait aménagé avec son épouse à la rue du Simplon en 1861. Mais se sachant surveillé par la police secrète russe, il s’en est allé vers l’Italie après quelques mois seulement alors que le meilleur de son idiot était couché sur le papier. Avant lui, en 1848, Nicolas Gogol avait aussi pris un temps pour se concentrer sur ses «âmes mortes» à Vevey. La Ville lui a offert une statue sur le quai Perdonnet.
De la construction au firmament
C’est à Vevey aussi que l’homme d’affaires allemand Hans Liebheer, architecte, inventeur et fondateur du groupe qui porte son nom a choisi de s’installer et c’est là qu’il et décédé. Enfin, n’oublions pas JeanPascal Delamuraz, l’enfant terrible de la politique Suisse qui deviendra président. Il a fait à ses parents la farce de venir au monde à Vevey le 1er avril 1936! Enfin, aucune autre ville de Suisse ne peut se vanter d’avoir vu grandir en ses murs un astronaute! C’est à Vevey qu’est né Claude Nicollier.
Chaplin ce héros
2019, marque le 130e anniversaire de la naissance de Charlot. Grand amoureux de Vevey, il vécut 24 ans, de janvier 1953 à sa mort à Noël 1977, au Manoir du Ban à Corsier sur Vevey. Sa 4e épouse Oona s’y sentait bien et, ensemble ils auront 8 enfants. Un Musée, «Le Chaplin’s world» est aujourd’hui installé à côté du Manoir qui se visite aussi. De nombreuses manifestations sont organisées en cette année anniversaire.
Autre amoureux de Vevey, Gustave Eiffel possédait la Villa Claire, rebaptisée Valentine du prénom de sa fille. Il aimait venir se reposer dans la quiétude de cette ville et naviguer sur la Walkyrie, son vapeur de 18m construit en 1882. La villa a aujourd’hui disparu, il reste un petit port à son nom à l’Ouest de la ville.
Peintres et musiciens
De nombreux peintres ont installé leurs chevalets et leurs ateliers à Vevey, parmi eux, citons Edmond de Palézieux, dit Falconnet, qui privé d’avoir pu mener une carrière de marin n’a jamais cessé de peindre le Léman. Un peu plus tard, les frères Italo et Vincent de Grandi connaîtront un beau succès de leur vivant. Leur maison sur les hauts de Vevey à Corseaux est aujourd’hui transformée en Musée maison de culture. Beaucoup d’autres peintres se sont fait les chantres de cette ville si inspirante. Quant aux musiciens nés à Vevey, ou installés à Vevey, plusieurs sont déjà entrés dans la légende comme Ernest Ansermet, et Carlo Hemmerling tous deux nés dans cette ville . Mais aussi la célèbre pianiste Clara Haskil qui a laissé de belles empreintes à Vevey dont un concours annuel pour jeunes talents. Ou encore le très célèbre ténor Hugues Cuénod qui résidait sur la place du marché. Enfin, jusque chez les chansonniers on trouve des veveysans. Albert Urfer, du fameux duo Gilles et Urfer est bien un natif de Vevey.
Ville de sports
Entre lac et montagne, l’exercice du sport est facile et Vevey est connu pour ses clubs sportifs, natation, aviron, football, arts martiaux, capoeira, athlétisme, en collaboration avec les localités environnantes, ce sont près de 250 clubs sportifs qui offrent leurs prestations. C’est aussi à Vevey qu’est né le plus bel athlète international de basket-ball jamais produit par la Suisse, Thabo Sefolosha.
Ville d’images et d’artistes
Tous les 2 ans depuis 1998, la ville organise un festival d’arts visuels visant à mettre en valeur les nombreuses entreprises et institutions liées à l’image à Vevey. Sans prétendre concurrencer les Rencontres d’Arles, «Images Vevey» est le premier festival de photographie en plein air en Suisse et distribue lors de chaque édition son Grand Prix International de Photographie de Vevey. Il se distingue en habillant des immeubles et divers lieux dans la ville d’images monumentales. Gratuit, il attire plus de 100’000 visiteurs par édition.
Autre manifestation qui chaque année anime la ville, le «Festival International des Artistes de Rue» Venus du monde entier, ces artistes s’installent dans la vieille ville, pour trois jours de folie. En 2019 ils ont choisi les 23, 24 t 25 août pour époustoufler un public qui adore ces athlètes sans filets présentant dans la rue, sur les places, des numéros drôles ou angoissants, tant ils sont proche de la rupture d’équilibre.
Vevey gourmande et mystérieuse
Une fourchette plantée dans le lac. Un musée de l’alimentation, des boutiques de bouchers comme on n’en trouve plus. Près de 200 restaurants dont certains sont mythiques comme La Valsainte, La Clé, les trois sifflets. Vevey n’a pas mal à l’estomac. Tout existe il suffit de le trouver dans l’offre pléthorique, complétée, deux fois par semaine, par les offres éphémères du marché. Autre avantage, la plupart des commerces et restaurants sont sur le plateau et à distance piétonne de tous les parkings de la ville.
Mais Vevey a aussi ses mystères. Quelques anciennes maisons, encore échappées à l’urbanisme rampant qui transforme la vieille ville, ne sont protégées que par de vieilles portes de bois. Elles s’ouvrent le plus souvent sur des escaliers de pierre d’un autre temps. Dans les rues étroites et pavées de la vielle ville, entre coursives et petites cours de beaux vestiges d’une architecture Art-Nouveau et Art-Déco. Des noms qui rappelle un temps révolu comme l’Ancienne Monneresse ou la rue du Conseil, celle des Deux Marchés, Toute proches de la fameuse place du Marché, occupée en cette année 2019 par l’Arène de la Fête des Vignerons mais qui offre l’un des plus beaux panoramas du monde. A l’autre bout de la Ville, à la rue d’Italie, face à un palace et à côté d’un antiquaire une vitrine interpelle. Des objets de culte sont exposés et on propose des séances de médiumnité. On ne le dira jamais assez, Vevey est à la hauteur de toutes les curiosités.
Nina Brissot
13.4.19