Instants volés… Jaipur, Inde

Le bruit mat du pic d’acier heurtant lourdement la tête de l’éléphant résonne encore dans la mienne. Le cornac avait-il donc si peur pour frapper avec tant de force ? La bête est-elle si sage pour ne point se révolter ?

Docilement, le lourd pachyderme a fait demi-tour, se frayant un lent passage entre ses congénères, les camions et voitures, la horde des marchands et des mendiants. D’un pas lourd et régulier il s’est dirigé vers la colline conduisant au Fort d’Amber.

Insupportable, le bruit sourd de ce crâne heurté m’a envahie. Comme dans un rêve engourdissant, lorsque, très exactement l’on sait ce qui va arriver mais qu’une paralysie empêche tout mouvement, ce geste unique d’une extrême violence se répète à l’infini dans ma mémoire. Dans la torpeur du rêve surgit le cauchemar et je vois le mammifère ensanglanté dresser ses quatre ou cinq tonnes sur son train arrière, battre l’air de ses énormes pattes onglées. Sa trompe se soulève avec une puissance effrayante, ses défenses percutent la roche du mur dans un barrissement de tonnerre de Dieu. L’homme tombe sur le bitume et son corps maigre roule le long de la pente, pour s’arrêter contre le pied d’un autre proboscidien. Va-t-il écraser sa tête comme une noix de coco?

Un klaxon aigu me réveille. Le bruit ambiant, les moteurs, les cris des marchands et même les ricanements des singes sont tout à coup très doux. En file indienne, le éléphants, chargés de touris­tes montent nonchalamment la pente accentuée de la colline d’Amber. Jaipur, la ville rose, et le bruit mat du pic d’acier s’abattant sur le tête de l’éléphant.

Nina Brissot

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