L’accent du Midi y est si prononcé qu’on le croirait caricaturé. Comme dans la chanson de Bécaud, deux fois par semaine un splendide marché de Provence anime la ville. L’humeur générale, les senteurs, les cris des marchands, les couleurs des fruits et des légumes sous le soleil, tout invite au dépaysement, aux vacances, au farniente, au bonheur.
Dominique fait partie du folklore. Clochard depuis que l’homme se souvient des hommes, il est l’ami de tous et chacun le salue. Son litron dans la poche, ses puces sautant joyeusement sur sa tête et ses manches, des ecchymoses partout, Dominique arpente le marché mendiant ici et là, les piécettes qui lui permettront de s’approvisionner en gros rouge qui tache et qui fait tant de bien.
Certains jours, la quête est fructueuse et Dominique boit alors jusqu’à plus soif. Méticuleux, notre clochard a ses manies. S’il ne peut plus avancer il se couche. Toutefois, que ce soit à même le bitume ou dans le caniveau, Dominique retire toujours ses chaussures. Les habitants de la ville savent alors, qu’aujourd’hui, Dominique n’ira pas plus loin. S’il est au milieu de la chaussé, il se trouve toujours quelqu’un pour le tirer de côté, jusqu’à ce qu’une âme charitable avertisse police-secours.
C’est dans ce taxi improvisé que régulièrement Dominique est reconduit à l’asile d’où demain déjà il s’enfuira pour une nouvelle chasse au litron, bonheur de ses jours.
Dans une rue, une vieille Arlésienne l’interpelle :
– Oh, Dominique, tu t’es enfui encore ?
– Ouais!
– Y sont pas gentils avè toi à l’Asile ?
– Y z’ont pas de pinard!
Dominique est tombé. Sans même essuyer le sang sur son visage, il commence à se déchausser. Police secours est en route. Sur le pas de sa porte, l’Arlésienne continue la causette.
– Dominique,
– Ouais!
– Qu’est-ce que tu fais ?
– RIEN!
– Couillon va….
Qui donc en Arles pourrait affirmer que Pagnol n’est plus au coin de la rue ?
Nina Brissot