Toute l’arrogance du monde se reflète dans le regard du gamin. Treize ans à peine, fier, il est le maître d’un monde imaginaire qui lui appartient.
Assis devant le salon de jeux, une cigarette coincée au coin des lèvres, il tente de faire entrer les touristes. Peu d’entre eux comprennent sa langue, mais l’éloquence de ses gestes fait admettre l’impérative envie qu’il a de rabattre le client.
A peine franchis les premiers mètres de l’entrée, l’enfant est sur vos talons. Comme un diable animé de je ne sais quel mécanisme remonté à fond, il tourne, parle, montre. En quelques secondes vous devez choisir votre jeu. Déjà il s’impatiente et, sans jamais quitter sa cigarette, sur un ton de commandant d’armée il en explique les règles. Peu lui importe que vous compreniez ou pas. D’ailleurs, seules ses règles à lui ont valeur à ses yeux.
Regard provocant, ton dédaigneux, gestes vifs, le petit homme encaisse le prix de ses jetons, surveille les jeux, tire sur sa cigarette et vit avec bonheur cet instant de puissance auquel il est attaché.
Lorsque, un quart d’heure plus tard le gérant du salon revient de sa visite au café d’à côté, il reprend ses droits. Le regard du gamin se voile alors de haine. Il relève le menton, tire une bouffée, crache par terre et sort sans saluer personne.
Nina Brissot
Le blog de Nina Brissot 