L’établissement, un café-bar est fréquenté par des habitués. Chaque soir, ceux qui viennent ici savent qu’ils vont y retrouver leurs copains et passer quelques heures a refaire le monde.
Un soir d’été, sur la petite terrasse, un inconnu au groupe occupe une table. Sa mise est pauvre, il somnole, la tête posée sur son bras replié. Il est 20h. et le garçon s’inquiète parce que l’homme est là depuis le matin et ne comprend rien à ce qu’on lui demande. Quelques nouvelles tentatives de dialogue font découvrir que l’individu parle un dialecte espagnol. Un copain né au sud de l’Espagne est appelé à la rescousse.
On apprend alors que le frère de l’homme, travaillant sur un chantier de la région à été victime d’un accident. Selon le télégramme envoyé à sa famille, il serait dans un état grave à l’hôpital. Mais, quel hôpital? L’établissement cantonal n’avait pas le nom de ce patient sur ses registres.
Désarmé, sans argent, Pablo ne sait que faire ni où aller. Alors, avec les pièces restantes, il s’est offert quelques bières et attend, là, sur la terrasse un signe du destin. Spontanément, les amis présents se mobilise pour téléphoner dans les hôpitaux, et cotisent même pour offrir une nuit d’hôtel au pauvre Pablo. Ils l’entoure et tentent d’en apprendre plus.
A hauteur du groupe, arrive alors, un vieil original. Sa tête est habitée par une forme légère de délire, que tout le monde en ville connaît et accepte. A son dos est rivé un sac de montagne toujours bourré. Il fume une pipe. Figure locale, il est salué avec bonne humeur. Curieux, le vieux s’inquiète de la raison de ce petit attroupement et se fait conter l’histoire de l’Espagnol. Au fil du récit, ses yeux s’illuminent. A la fin, il retire sa pipe et, tirant l’étranger par sa manche il lui demande:
– Alors Pablo, tu veux revoir ton frère? C’est pas difficile. J’ai un truc, moi, tu vas voir. Tu pourras rester avec lui. Tu paieras pas un rond, on va te donner à manger et même te laver. Viens, c’est rien, tu verras, faut seulement pas avoir peur.
Alors qu’il parle, le vieux tire l’homme par la manche et l’entraîne vers la route. Ne sachant ce qui lui arrive, l’Espagnol se laisse faire de bonne grâce. Sur le trottoir, le groupe médusé a fait silence. Personne n’ose croire au cheminement de la logique du vieux. Il continue pourtant ses explications.
– Voilà, on attend une voiture qui roule vite. Dès que je te pousse, toi tu te protèges la tête, – explique-t-il avec de grands gestes – c’est ce qu’il y a de plus fragile. Nous, on demandera à l’ambulance de t’amener dans la même chambre que ton frère…
Quelqu’un dans le groupe a repris ses esprits, immédiatement suivi de tous. Ils ont fait asseoir Pablo, mais ont eu toutes les peines du monde à expliquer au vagabond que son idée n’était pas nécessairement la meilleure.
Nina Brissot