Opposite aigüe

L’épidémie est grave docteur. Trop de gens sont touchés. Cela devient inquiétant. Surtout en Suisse. A défaut d’enrayer le mal, pourrait-on au moins en freiner la progression? Avez-vous un diagnostic sur l’origine de cette maladie si répandue? Dites-nous…
Oui. Cela part d’une forme d’esprit étriqué, confiné dans une léthargie due à un manque de vrais problèmes. L’ensemble est couronné d’un goût immodéré pour l’immobilisme. Vient ensuite se greffer la peur. Celle du changement, de la différence, du dérangement et du fait que les œillères suisses ont le défaut d’être trop petites. Enfin, et c’est fondamental, la méfiance. La plupart des citoyens ont été élevés dans la méfiance de l’autre, des autorités, de ceux qui entreprennent et de ceux qui réussissent. On leur a inculqué le syndrome du flic qui dort, toujours prêt à se réveiller. Fort de cette foi, c’est en toute bonne conscience que le patient atteint d’opposite aigüe ne peut identifier le mal dont il est atteint. Il s’oppose. Cela lui suffit. Il s’oppose à tout, mais avec des arguments. Les siens! Donc les justes. Les cas les plus courants sont dus à des problèmes de voisinage. «Je suis bien chez moi, allez construire ailleurs» Puis vient la catégorie de ceux qui sont persuadés détenir la palme du bon goût et s’opposent à tout ce qui n’est pas le leur. Il y a les anti-progressistes, les emmerdeurs de service, les juristes en débandade, ceux qui s’ennuient, ceux qui veulent nuire… en effet cela provoque une large épidémie.
Un remède docteur?
Oui. Occuper un peu plus les indigents de la pensée. Faire travailler ceux qui ont trop de temps à s’occuper des autres. Mais, le seul vrai moyen sera de trouver une cellule souche gorgée de positivisme à injecter dans tous les esprits chagrins. Des cellules sont actuellement prélevées en Chine et à Dubai. On a remarqué dans ces pays qu’il leur faut moins de temps pour construire un étage de 12’000m2 qu’il n’en faut en Suisse pour accepter 2 cm sur un fenestron. Restera à l’isoler, à la cultiver et à la diffuser, cette cellule. Mais seulement si personne ne s’y oppose.