Notre pays a quelques réputations. Celle d’abriter différentes fortunes mondiales. Celle de fabriquer les plus belles montres. Celle des prairies bien vertes et du chocolat au lait. Dans l’ensemble, des réputations plutôt flatteuses enviées par nos voisins. Il en est toutefois une autre dont le peuple suisse ne se vante pas. Une d’importance que nos voisins déplorent. Et cette réputation est celle du Suisse délateur. Il y a, hélas, dans chaque Suisse un flic qui sommeille.
C’est pas sa faute au Suisse. C’est celle de la culture du propre en ordre. Du rasage des têtes qui dépassent, du «il faut faire», le fameux «Du must!» Il est élevé comme ça et pour lui c’est normal. Du bruit sur la plage après 22h? Vite! on dénonce. Un automobiliste qui dépasse sur une limitation de vitesse? On note son numéro. Le voisin a soudainement– donc de manière douteuse – son herbe plus verte? On invite la police à y regarder de plus près. C’est juste un réflexe, étayé par un sens aigu de la pseudo-droiture… « Du must! » La police prétend ne pas avoir de statistiques sur le nombre d’interventions effectuées sur dénonciation plutôt que par patrouilles ou enquêtes, mais dans les relevés mensuels le mot dénonciation domine le verbe. Ils ont donc raison nos voisins italiens qui disent, attention va tout droit, sinon tu vas être dénoncé!
Un flic qui sommeille… Le Suisse moyen adore se positionner en juge. Il a une opinion sur la justesse des choses et se sent personnellement heurté lorsque se présente un chemin de traverse. Il juge, mais il ne veut pas être partie. Demandez à un dénonciateur de venir témoigner, il n’y a plus personne. Dommage. Si on avait éduqué les Suisses a être conséquents, ils auraient peut-être une autre réputation. Les Dürrenmatt ou Frisch restent des exceptions…