Le Suisse est un spécimen rare. Vu de l’extérieur, par exemple de la France, il semble totalement exotique. Aucun Français ne peut imaginer qu’un peuple puisse refuser une semaine de vacances supplémentaire. D’autres ne peuvent pas comprendre non plus comment et pourquoi, avec 8 millions d’habitants seulement on s’échine à parler 3 ou 4 langues. Comment, avec une population étrangère de 23,3% elle demande encore la recette du papet vaudois ou le nom du hameau voisin comme gage d’intégration pour accorder la nationalité à ceux qui souhaitent l’obtenir. Vrai, toutes ces choses sont difficiles à comprendre quand on n’est pas né Suisse. Deux «incidents» récents montrent que n’est pas Suisse qui veut.
Le premier se passe dans le Seeland à Longeau. A la suite de son divorce, une maman demande la naturalisation. Elle a 50 ans, habite la Suisse depuis 20 ans, a suivi une formation complète d’enseignante, parle plusieurs langues et élève seule ses deux enfants. Le hic? Madame touche l’aide sociale! Refus du passeport suisse confirmé par le Tribunal administratif bernois qui tient à respecter l’autonomie communale en la matière.
Le second se passe à Einsiedeln. Il a 75 ans, en Suisse depuis quarante trois ans, il est prof à l’EPFZ. Le hic? Il n’a pas su énumérer de mémoire les six localités de son district. Surtout à la fatidique question du pourquoi il opte pour la nationalité, l’homme a honnêtement répondu qu’il ne voudrait pas perdre son permis d’établissement s’il était retenu longtemps à l’étranger. Les faiseurs de Suisse ont bien sûr voté non. Et c’est bien là la preuve qu’il n’est pas (encore) un vrai Suisse. Sans quoi il aurait dit qu’il se sentait chez lui et qu’il aimait ça. Mais peut-on se sentir chez soi en Suisse tant que l’on n’est pas ce spécimen rare, capable d’hurler son amour du pays et son aversion de l’étranger?