Prendre une commande pour six personnes s’apparente de plus en plus à une partie de cartes entre bègues de langues différentes. Le simple végétarien n’arrive pas à se décider entre lentilles (d’où sont-elles importées) et une saucisse au soja (peut-être élevé aux OGM?) La crudivore déplore le peu de choix et chipote sur les salades peu représentatives de l’existant en crudités. Le carnivore soulève l’indignation des autres convives sans arriver à se décider entre poulet ou veau car bien sûr la viande rouge est à proscrire. Mais, fort heureusement qu’il n’aime pas la tortue… Depuis que le commerce international a lancé à grand renfort de menaces telles que désagréments digestifs, fatigue lancinante, coups de blues inexpliqués, l’idée que tout cela provient des produits sans gluten, il se trouve toujours quelqu’un pour se déclarer allergique (en réalité 1 sur 250 prétendants l’est). L’abstinente aimerait une boisson qui ressemble aux autres pour ne pas se faire remarquer à table tandis qu’un gourmand écoute tout ce petit monde, lui qui se porte bien, sans tergiverser sur son assiette. Par souci de ne pas en rajouter, nous oublierons à cette table les véganes. A tout ce beau monde aux manières affinées, aux préoccupations finalement assez basiques, il manque probablement 2 ou 3 éléments. Le premier étant d’avoir, au moins une fois ou deux, vécu la faim dans leur vie. Le second, celui d’avoir de véritables préoccupations vitales autres que des obsessions de ligne. Le troisième d’avoir le simple bon sens du corps. Lui sait très bien, avant suggestions de toutes sortes, ce qui lui convient en dehors de tout dictat. Vous reprendrez bien une tartine de beurre avec une tranche de saucisson?