Instants volés… Venise

Du haut de son socle, même lui, est pris d’un fou-rire! Lui, le lion ailé protecteur des saintes écritures, symbole, dans la catholique Venise de St. Marc l’évangéliste leur patron. De sa position dominante, le vieux lion apprécie le saugrenu de la situation. Son envie d’en rire lui fait penser que dans le fond, il est profondément Italien!

Dans les romans tout comme au cinéma, les aveugles, les paralytiques et autres handicapés ont leur place en Italie. A croire qu’une situation ne serait pas tout à fait rendue au plus juste s’il n’y avait, ici ou là, une chaise roulante, une prothèse, une bosse ou une malformation quelconque.

L’esprit italien aime le drame quand il est court. S’il doit durer, il le transforme alors en dérision. Ceci explique peut-être les nombreux films comiques où bien des acteurs endossent des rôles d’impotents affables ou acariâtres, mais toujours attachants.

Pourtant, sur la place St. Marc, ce n’est pas du cinéma. La famille italienne qui, tout à l’heure descendait du « vaporetto » a bien progressé déjà. La mère, élégante petite femme chargée d’un grand sac marche devant. De temps en temps, elle redresse un peu le guidon du vélo. De chaque côté de la bicyclette, le père et la grand-mère surveillent attentivement la progression du véhicule à travers une foule importante. Quelques passants interloqués s’arrêtent parfois pour bien se persuader qu’ils ne rêvent pas, avant de repartir un sourire au coin des lèvres. La famille reste imperturbable.

Juchée sur la selle, une jeune fille, visiblement atteinte de défaillances psychiques et physiques graves, sourit béatement à chaque tour de roue. Ses bras, un peu déformés sont agrippés au guidon. Une seule jambe, trop courte pend au-dessus des pédales qui tournent dans le vide. Une sangle attachée à sa taille est amarrée à la barre du vélo qui est poussé par un jeune garçon, probablement son frère. Heureuse si l’on en juge à son expression, la jeune fille profite pleinement de cette visite en famille de l’une des plus belles villes du monde. Par moment, elle pousse des petits cris qui peut-être expriment son bonheur.

Sur son socle de lumière, le lion ailé n’en revient pas. 

Nina Brissot

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