De ce titre, Claude Lelouch a fait un film, Félix Leclerc une chanson, Pascal Auberson un chef d’œuvre. Mais qui aujourd’hui parle encore de la vie, l’amour, la mort?… Le nouveau vocabulaire dit, boulot, métro, dodo. Il dit aussi « burn out », stress, virtuel, vitesse… Les valeurs ont changé de tarifs ! On vit avec les priorités. Terminer dans des délais de plus en plus courts. Satisfaire le client (qui une fois sur deux ne le sera de toute façon pas). Vite courir à une soirée, vite voir les enfants avant qu’ils ne partent. Refuser d’être malade. Sauter dans sa voiture, dans un avion, foncer, ne plus rien voir, ne plus rien entendre. Mais être quelqu’un, puisque c’est, aujourd’hui, le prix à payer pour tenir un rang, disons d’importance, dans le monde du travail. Ou en tous les cas paraître, car le verbe « être » semble ici particulièrement galvaudé…
La vie se résume alors à un corridor que l’on emprunte en courant vers une mort que la science s’amuse à retarder. Le temps est devenu Dieu. Il est tout puissant. Il y en a ou il n’y en a pas. C’est aussi simple que ça. Et lorsqu’il se met aux abonnés absents, l’homme refuse de voler sa part. De peur de perdre quelques prérogatives qui le ferait avancer moins vite dans le corridor. Il faut répondre, faire, avancer, obéir, vite, toujours plus vite, car si l’on traîne, on se donne peut-être le temps de la réflexion. Et ça, c’est la mort du paraître. Ce n’est plus être. C’est soudain être vieux, inutile, inactif, perdu. C’est la fin d’un rêve, ou d’une vie. Quelle vie ? Que dit le rétroviseur des ces années passées ? Qu’au nom d’une mode, d’une « réussite », d’un titre de gloire, de quelques milliers de francs, on s’est épuisé, on a trahi, on a omis beaucoup de chose. Notamment d’aimer.
Ah ben oui tiens, et l’amour, voire l’amitié dans tout ça ? Eh bien c’est pareil. On fait vite, on fait semblant, on s’accommode, on trahi, on omet, on s’illusionne, on donne, on reprend, on change, vite, vite, vite… Un proverbe arabe dit: » dans chaque ami, ou amour il y a la moitié d’un traître »… Eh oui, et dans la vie, il y a déjà la moitié d’un mort… Essayons de choisir la bonne moitié sur la meilleure longueur du corridor. Car après tout, ce n’est pas la mort qui sépare, c’est l’indifférence…
Nina Brissot