«Votre Papa va mourir dans quelques minutes. Nous lui avons administré des soins de confort pour qu’il ne souffre pas. Nous l’installons dans cette chambre. Il n’est branché à rien. C’est trop tard. Faites comme vous avez envie de faire. Restez le temps que vous voulez, même si c’est terminé. Surtout, prenez votre temps!» Nous sommes aux urgences d’un hôpital et on nous dit: prenez votre temps! Magnifique. Le temps qu’il faut pour mourir, on ne le connaît pas. Pas encore. Cependant, au rythme où vont les choses, il va bientôt s’imposer. Le temps est devenu un décompte.
Tout commence avec les CFF. Les trains doivent être à l’heure. Et s’ils ne le sont pas, les conversations de gares ressemblent à des dissertations sur les catastrophes naturelles. Un autre exemple, notre chère (à tous les sens du terme) Lamal (Loi sur l’assurance maladie). Grâce à elle, on n’attend plus dans la salle d’attente du toubib. Une fois passée la porte de son cabinet, mieux vaut savoir exactement où l’on a mal, ce qu’il faudrait faire et débiter à toute allure ce que l’on attend du consultant. Car lui, a son temps de facturation dicté par cette fameuse Lamal qui statue sur le nombre de minutes à sa disposition pour cracher un diagnostic. Juste ou faux. Quelle importance? Le temps d’investigation ne doit pas dépasser les minutes imparties. Idem pour les soins à domicile. 20 minutes montre (suisse) en main vu qu’il faut encore vite, très vite aller vite chez le suivant… Et ne parlons pas de toutes ces alarmes qui nous rappellent des rendez-vous, des urgences à accomplir, des coups de fil à passer et mille et une autres choses qui doivent coïncider avec la montre. Tu as pris ton temps Papa. Les minutes se sont prolongées en heures. Le temps pour nous de te dire adieu. Tu as bien fait. Le temps c’est de l’argent? Peut-être mais aux dernières heures, il ne reste que le temps.
Le blog de Nina Brissot 