La fin de la bise

Innocents des règles de conduite et de politesse, les petits enfants ont souvent ce geste spontané de s’essuyer avec la manche ou le revers de la main après avoir reçu des bisous. Ils n’aiment pas ça. Or la coutume dans bien des pays, notamment francophones, veut que l’on marque son attachement, sa reconnaissance, sa politesse par des bises. Smac, smac, smac! Une, deux, trois, quatre bises? Les habitudes diffèrent d’une région à l’autre ou peuvent, comme en Asie, ne pas faire partie du paysage des politesses et de marques d’amitié. Chez nous, la coutume est si banale qu’on n’y pense même plus en bisant son vis-à-vis. Les enfants, la famille, les amis, les collègues et un nombre incroyable d’inconnus, amis de nos amis présentés dans le métro, au bureau, au bistrot. Smac par-ci. Smac par là. Et il y en a une panoplie. La plupart sont justes distraits. On pense à autre chose. On montre qu’on est du même monde. Certains sont appuyés avec peut-être une idée derrière la tête. D’autres peuvent être baveux et peu ragoutants. Et depuis quelques années des tonnes de smacs sont embroussaillés dans des nids piquants qui irritent les joues.

Et voilà, Corona est passé par là. Le Covid-19 délivre tous ceux qui n’aiment pas ça. Tout contact personnel étant peu recommandé la bise est, a fortiori, bannie. La «sanction» est parfois douloureuse, surtout pour les parents et grands-parents mais fait le bonheur des enfants, premières victimes des bises. Quant aux adultes, ils doivent bien, désormais, adopter les règles de la pandémie et vivre à l’asiatique avec des courbettes, des Namasté, des échanges de regards plutôt que des bises au vent. Les règles d’hygiène et de comportement permettant de vivre avec le coronavirus seront-elles en vigueur assez longtemps pour engendrer la fin de la bise?

Avril 2020